(Marine Le Pen, 7 mai 2017)
Lorsqu’elle affirme que les résultats de l’élection présidentielle illustrent « une recomposition politique […] autour du clivage entre les patriotes et les mondialistes », la candidate malheureuse donne une audience inédite à l’antithèse sur laquelle elle a bâti son programme : le rejet du « mondialisme » que constitueraient « le fondamentalisme islamiste » et l’« affairis[me] financier » incarné par Emmanuel Macron. Au sortir du premier tour, ce dernier avait répliqué en se posant en « président des patriotes face aux nationalistes ». Bien qu’il confirme le fait qu’un nouveau couple d’acteurs politiques se soit substitué aux catégories traditionnelles de positionnement (gauche/droite), E. Macron souligne ici que les mots « patriote » et « nationaliste » ne sont pas synonymes. Une manière de rappeler que l’extrême droite n’a pas le monopole du patriotisme, puisque la gauche républicaine s’en est précocement réclamée. Véritable « fétiche discursif », « argument ultime que se renvoient les adversaires politiques » (Marc Angenot) depuis le XIXe siècle, le patriotisme confère une forme de légitimité politique à qui s’en saisit. S’il se déclare patriote, défend la construction européenne et reconnaît les vertus de la mondialisation, E. Macron ne peut en revanche se dire « mondialiste ». Au cœur du lexique complotiste d’un Jean-Marie Le Pen, ce néologisme polémique désigne en effet une supposée coalition des élites. Dans les années 1980, il est employé à l’extrême droite en opposition à « antimondialiste », qui prévalait avant qu’« altermondialiste » ne le remplace pour mieux dissocier l’extrême gauche des souverainistes et de la droite radicale. « Mondialiste » marque certes ici l’écart qui existe entre Marine Le Pen et son adversaire, mais il creuse trompeusement l’opposition entre le national et le global (la particularisation des États-nations supposant depuis leur création qu’ils se reconnaissent les uns les autres).
Crédits photo : Alain Jocard /Eric Feferberg. AFP (montage)