(François Ruffin, Le Monde, 4 mai 2017)
“Vous êtes haï” : la lettre ouverte à Emmanuel Macron publiée par le réalisateur de Merci Patron ! se déploie autour de cette phrase toute simple, répétée selon différents rythmes, qui constituent autant de figures de style. Il y a d’abord l’épiphore, qui consiste à reproduire un énoncé en fin de phrase. “Ca se respire dans l’air : vous êtes haï. […] dans les discussions : vous êtes haï. […] chez les Whirlpool : vous êtes haï.” Puis l’anaphore, qui place l’expression en début de phrase : “vous êtes haï par ‘les sans-droits, les oubliés, les sans-grade’ […]. Vous êtes haï, tant ils ressentent en vous, et à raison, l’élite arrogante.” Pour finir par l’épanalepse, ici dans un rythme ternaire : “vous êtes haï, vous êtes haï, vous êtes haï” – elle-même redoublée dans le texte. Sous différentes formes, l’argument est toujours le même, selon une expolition lancinante : parce qu’il ignore la profonde hostilité des classes moyennes et populaires à son égard, Emmanuel Macron met le pays dans une situation dangereuse. La répétition trouve ici sa justification : c’est le seul moyen de se faire “entendre” d’un candidat “atteint de surdité sociale”. L’avertissement final n’en est que plus frappant : “A bon entendeur”… mais sans le “salut” !