
La stature victorieuse, solidement appuyée sur un bureau élyséen sur fond de lambris dorés, drapeaux français et européen à ses côtés, Marine Le Pen pulvérise sa cage de verre à la une de L’Express, traduction iconique d’une métaphore linguistique — « la fin du plafond de verre », titre le quotidien pour annoncer la fin de la limite invisible qui cantonnait les avancées de son mouvement, ex-FN rebaptisé RN.
Le « plafond de verre » est généralement associé à la discrimination exercée à l’encontre des femmes, en écho à la traduction française du titre d’un film d’Elia Kazan, Le Mur invisible (Gentleman’s Agreement, 1947). L’application de l’expression à Marine Le Pen a pu être jugée malheureuse, le mouvement libérateur se l’étant en quelque sorte appropriée, surtout depuis #MeToo : historicité du dialogisme, qui dessert ici le propos.
Sa traduction iconique échoue d’ailleurs aussi. Sans le titre, la double particularité du « plafond » disparaît (il est au-dessus de la tête, et comme les murs ou le plancher dont il est l’exact opposé, il confine l’espace) : à l’évidence, un mur de verre explose sous l’avancée frontale de la présidente du FN. D’ailleurs, cette explosion du plafond, le dossier s’en rit et on trouve à l’intérieur du magazine une autre image, métaphore-valise cette fois : Marine Le Pen, tête récriminante, y surgit d’une urne de verre comme un diable d’une boîte et quoi qu’il en soit de la différence entre les plafonds et les couvercles, nous sommes au rayon farces et attrapes. La victoire possible est dérisoire, mieux, c’est une blague.

Mais en couverture, implicitement, la métaphore iconique tient un discours tout autre. Produit d’appel affiché chez les marchands de journaux, sur les colonnes Morris, Marine Le Pen, aquarellisée et cadrée comme pour une couverture de fanzine, est une sorte de héros paramilitaire ou de King Kong révélé qui, ayant fait voler en éclats sa vitre protectrice, se libère : gare.