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Auteur/autrice : Paul Bacot

Paul Bacot Professeur des universités émérite Sciences Po Lyon / UMR 5206 Triangle (CNRS / ENS Lyon) Ouvrages publiés en 2016 : Guide de sociologie politique (Ellipses) Une enfance en Quatrième République. Souvenirs d'un apprentissage politique (L'Harmattan)

« Il ne faut pas donner une seule voix à Madame Le Pen ! Il ne faut pas donner une seule voix à Madame Le Pen ! Il ne faut pas donner une seule voix à Madame Le Pen !  »

26 avril 202226 avril 2022 Paul Bacot
Cette fois, Jean-Luc Mélenchon a donné des consignes de vote très claires: «Il ne faut pas donner une voix à Madame Le Pen». Photo Emmanuel DUNAND / AFP
Photo Emmanuel DUNAND / AFP

Jean-Luc Mélenchon, Paris, 10 avril 2022

Est-ce Jean-Luc Mélenchon qui parle lorsqu’il répète trois fois devant ses partisans au soir du premier tour de la présidentielle : « Il ne faut pas donner une seule voix à Madame Le Pen ! » ? Et est-ce le général de Gaulle qui parle lorsqu’il s’exclame, le 14 décembre 1965 à la télévision : « l’Europe ! l’Europe ! l’Europe ! » ? Ne s’agit-il pas plutôt dans les deux cas de la citation implicite sur le mode parodique d’un propos rapporté, présenté comme emblématique de l’adversaire ?

C’est évident pour le général, dont le recours à l’ironie tend à ridiculiser la préoccupation majeure de ses opposants, la construction européenne, par le triple effet de l’intonation, de la gestuelle et de la répétition : Jean Lecanuet est alors censé invoquer l’Europe en sautant sur sa chaise « comme un cabri ».

Le leader de la France insoumise, lui, dit répéter sa consigne en vue du second tour afin que ses adversaires ne puissent pas dire qu’ils n’ont pas entendu. C’est donc apparemment bien lui qui parle, mais la façon dont il procède – son recours à une gestuelle, une intonation et une répétition très proche de la pratique gaullienne – revient en fait à se moquer de ladite consigne, qui ne semble plus être la sienne mais celle que lui rappellent ses adversaires. On ne verbalise pas de cette manière sa propre pensée. Ce que l’on entend dans la bouche de Jean-Luc Mélenchon est censé être son mot d’ordre de refus du vote Le Pen, mais sonne en réalité comme un propos rapporté qu’il brocarde, celui disant le choix d’un vote dit « de barrage ». Il réduit par là-même la portée et, partant, l’efficacité de la consigne.

Posted in Présidentielle 2022Tagged citation implicite, discours rapporté, ironie, parodie

« Il nous faudra donc travailler plus »

30 mars 202230 mars 2022 Paul Bacot

(Emmanuel Macron, « Lettre aux Français », 3 mars 2022)

Arrêtons-nous sur l’usage que fait Emmanuel Macron du pronom personnel nous dans sa Lettre aux Français. Avec une trentaine d’occurrences, il renvoie à des référents très différents, ce qui a priori n’est pas surprenant, la seule contrainte en la matière étant que nous doit inclure le locuteur et une ou plusieurs autres personnes. Mais ici, le passage est fréquent d’un nous à un autre, avec parfois un référent incertain. L’effet rhétorique est à son comble lorsque le président-candidat semble employer un nous qui n’implique que lui ou qui au contraire ne le concerne pas.

Quand il dit « Depuis cinq ans, nous avons traversé ensemble nombre d’épreuves », il parle de tous les Français, vous et moi. Mais quand il concède « Nous n’avons pas tout réussi. Il est des choix qu’avec l’expérience acquise auprès de vous je ferais sans doute différemment », on est peut-être en présence d’un nous « de modestie », ou « de majesté », c’est-à-dire d’un je, ou plus vraisemblablement d’un nous qui balance entre le je et le vous. Et quand au contraire il annonce « Il nous faudra travailler plus », il n’avoue certainement pas avoir consacré trop peu de temps à l’accomplissement de sa tâche durant son quinquennat, mais veut dire bien sûr : « Il vous faudra travailler plus » ! En incluant fictivement lui-même dans le groupe des personnes qui devront travailler plus, ainsi qu’une partie des destinataires de sa Lettre en réalité non concernés, Emmanuel Macron euphémise son propos pour rendre plus acceptable la réforme des retraites qu’il annonce.

Est donc mis en scène un nous incertain incluant ou non de façon plus ou moins fusionnelle Emmanuel Macron et/ou les Français et/ou certains Français, ce qu’on retrouve dans l’affiche de campagne : « Nous tous. Emmanuel Macron avec vous ».

Posted in Présidentielle 2022Tagged destinataire, euphémisme, occurrence, pronom personnel, référent, rhétorique

« Z »

21 mars 202221 mars 2022 Paul Bacot
Si Eric Zemmour n'a pas encore officialisé sa possible candidature, des militants ont placardé des affiches de soutien dans Paris. LP/Olivier Corsan
LP/Olivier Corsan
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Un char russe siglé du mystérieux «Z», le 25 février dans la région du Donbass. (Gabriele Micalizzi /Cesura pour Libération)

Zut ! La coïncidence est pour le moins fâcheuse. Au moment où les jeunes supporters d’Éric Zemmour, ceux de Génération Z, placardent le portrait de leur candidat accompagné de la lettre Z, les jeunes et les moins jeunes supporters de Vladimir Poutine tracent un peu partout la même lettre pour dire leur soutien à l’agression contre l’Ukraine. Dans le même temps, les soldats russes décorent leurs tanks du même symbole. Signe de distinction sur le champ de bataille pour les engins envahisseurs ou indication d’une zone de l’Ukraine à occuper ? On l’ignore, mais on sait que le président russe a célébré l’anniversaire de l’annexion de la Crimée devant deux slogans de facture assez classique, que l’on peut traduire ainsi : « Pour une paix sans nazisme » et « Pour la Russie », étant précisé que pour se dit za en russe et que la graphie des deux Za majorait la lettre Z –latine et non pas cyrillique.

L’usage de lettres dans la propagande électorale ne peut être considéré comme un marqueur des candidats d’extrême droite, mais Marine Le Pen joue aussi avec l’initiale, non pas de son nom mais de son prénom, non pour dire la guerre mais l’amour. La France qu’on M et M la France comptent parmi les slogans de sa troisième campagne présidentielle, tandis que son site a pour adresse MlaFrance.fr. Voici une candidature féminine présentée comme résolument moderne et porteuse d’un nationalisme à visage humain, quand son concurrent immédiat préfère l’image virile du manieur d’épée Zorro. Monsieur Z versus Madame M… Rien de commun avec ce candidat à la candidature identifié comme Monsieur X : Gaston Defferre avant le scrutin de 1965.

Posted in Présidentielle 2022Tagged initiale, lettre, slogan, symbole

« Mon adversaire, c’est l’injustice »

14 mars 202214 mars 2022 Paul Bacot
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AFP – Loic VENANCE

(Anne Hidalgo en meeting à Rennes le 11 mars 2022)

« Dans ce pays miné aujourd’hui par les inégalités dès le plus jeune âge, […] mon adversaire, c’est l’injustice ! » a déclaré la candidate socialiste, en écho au célèbre « Mon ennemi, c’est la finance » censé avoir été prononcé par François Hollande au Bourget le 22 janvier 2012. En réalité, le futur président de la République avait dit : « Mon véritable adversaire, […] c’est le monde de la finance ». Cette forme d’interdiscursivité qu’est l’évocation, à travers une citation implicite, d’un précédent propos tenu par un autre locuteur, peut s’expliquer par la recherche du bénéfice de l’autorité reconnue à ce dernier, ou encore par celle de l’efficacité attribuée à sa performance rhétorique.

Ce qui relie ces deux segments de discours est la forme /X, c’est Y/, qui pointe un sujet prioritaire (un adversaire : le monde de la finance ou l’injustice) tout en reconnaissant la nécessité de la proclamation de cette désignation – nuance renforcée chez Hollande par la présence de l’adjectif véritable, mais qui du coup est perçue même in absentia chez Hidalgo.

On peut aussi s’attarder sur la substitution d’un syntagme nominal à un autre – l’injustice à le monde de la finance. N’est plus dénoncé un ensemble de personnes remplissant une fonction somme toute indispensable, mais un système fondé sur le déni d’une valeur pourtant, au moins formellement, unanimement proclamée. La cible est plus abstraite mais difficilement contestable.

Les scores comparés des deux candidats socialistes, à dix ans d’intervalle, ne nous diront pas laquelle des deux phrases aura été la plus mobilisatrice, trop de choses étant inégales par ailleurs : on est bien loin d’une situation expérimentale.

Posted in Présidentielle 2022Tagged citation, in absentia, interdiscursivité, syntagme nominal

« Lettre aux Français »

7 mars 20227 mars 2022 Paul Bacot
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(Emmanuel Macron, 3 mars 2022)

François Mitterrand déclare sa candidature à un second mandat présidentiel, le 22 mars 1988 sur Antenne 2, en répondant simplement « oui » à la question que lui pose Henri Sannier – « êtes-vous à nouveau candidat à la présidence de la République ? » –  puis il publie une Lettre à tous les Français, le 7 avril, pour exposer son bilan et énoncer son programme. Trente-quatre ans plus tard, Emmanuel Macron pratique le « tout en un » dans une Lettre aux Français. Entre temps, Nicolas Sarkozy diffuse de semblables Lettres en 2007 et 2012. Et qui se souvient de la Lettre aux Françaises et aux Français écrite par le candidat Pierre Marcilhacy, six mois avant l’élection présidentielle de 1965 ?

La connotation très personnelle du mot lettre, alors même que le message s’adresse à plusieurs dizaines de millions de personnes, est bien en ligne avec la fameuse définition de l’élection présidentielle, généralement attribuée au général de Gaulle : la rencontre d’un homme et d’un peuple. Mais le choix d’un tel intitulé suppose une sorte de métaphore, construite sur l’analogie entre deux types de textes écrits adressés, l’un à une personne ou à quelques destinataires bien identifiés, l’autre à un large collectif dont la majeure partie n’en sera jamais réellement destinataire. La figure de la synecdoque qui permet de passer du peuple à l’individu dans sa singularité, apparaît comme un moyen finalement assez classique pour tenter de réduire une distance entre gouvernants et gouvernés volontiers considérée comme s’accroissant dangereusement.

Posted in Présidentielle 2022Tagged métaphore, synecdoque

« Parrainer n’est pas soutenir »

28 février 202228 février 2022 Paul Bacot
Présidentielle 2022. Réforme des parrainages : Gérard Larcher met trois  propositions sur la table
Gérard Larcher, France Inter, 11 janvier 2022

La déclaration du président du Sénat a été reprise par de nombreux acteurs et commentateurs de la vie politique : parrainer, pour la quarantaine de milliers d’élus habilités à donner leur signature pour un candidat à la présidentielle, ne vaudrait pas approbation des idées et des propositions de celui-ci. Mais le droit est le droit, et la langue française est la langue française.

L’article 3 de la loi organique du 6 novembre 1962, modifiée à plusieurs reprises, qui organise la sélection des candidats à l’élection présidentielle, ne fait aucunement usage des mots parrainage, parrainer ou parrain. Elle stipule que « la liste des candidats est préalablement établie par le Conseil constitutionnel au vu des présentations qui lui sont adressées », et que ledit Conseil « doit s’assurer du consentement des personnes présentées » et rendre publics « le nom et la qualité des citoyens qui ont valablement présenté des candidats ».

Or, selon le Petit Robert, le verbe présenter, lorsqu’il est transitif, signifie soit « montrer » (on peut dire que l’on présente sa candidature à un poste), soit « faire connaître à quelqu’un », en présentant une personne à une autre, ou quelqu’un pour un emploi en le proposant (un parti présente un candidat à une élection). Présenter un candidat, c’est donc clairement le proposer à ses concitoyens.

Le recours à la métaphore du parrainage ne change rien à l’affaire : le parrainage est un « soutien » et parrainer c’est « soutenir », « présenter en tant que parrain ».

Posted in Présidentielle 2022Tagged métaphore

« C’est un peu notre Arlette Laguiller de la droite nationale, Marine Le Pen »

17 janvier 202217 janvier 2022 Paul Bacot

Éric Zemmour sur BFMTV le 12 janvier 2022

Faire précéder un nom propre (ici un anthroponyme) d’un déterminant (ici un adjectif possessif) transforme le premier en nom commun par antonomase. Une réalité unique devient l’élément archétypique permettant de désigner une catégorie. Pour Éric Zemmour, quelle est donc la caractéristique d’Arlette Laguiller que l’on peut retrouver chez d’autres protagonistes des scrutins présidentiels, dont Marine Le Pen ? Leur commune orientation extrémiste n’est certainement pas en cause pour l’ancien polémiste de CNews, pas plus que leurs scores, très inégaux. Ce qu’Éric Zemmour reproche explicitement à Marine Le Pen est qu’elle porte une candidature de routine. Pourtant, ce n’est que la troisième fois qu’elle postule à la présidence de la République, alors qu’Arlette Laguiller l’a fait à six reprises. Jacques Chirac, François Mitterrand et Jean-Marie Le Pen ont candidaté plus souvent que la fille de ce dernier. Peut-être faut-il aller chercher d’autres motivations plus implicites, comme le fait qu’Arlette Laguiller est la plus connue dans la catégorie des petits candidats : Marine Le Pen ne jouerait pas dans la cour des grands. Ou encore le fait qu’Arlette a été la première femme à candidater à une présidentielle : Éric Zemmour renverrait ainsi Marine à ses casseroles, et son parti à son incapacité à se doter d’un héraut doté de cette virilité qui sied selon lui à un chef de l’Etat.

Posted in Présidentielle 2022Tagged anthroponyme, antonomase

“Éric Ciotti, on pourrait l’appeler Éric Pécresse”

7 décembre 202123 décembre 2021 Paul Bacot
AFP

Amélie de Montchalin, France Info, 4 décembre 2021

“Éric Ciotti, on pourrait l’appeler Éric Pécresse, et Valérie Pécresse, on pourrait l’appeler Valérie Ciotti. Au fond, ils s’appellent tous les deux Fillon.” La ministre Amélie de Montchalin, commentant sur France Info le deuxième tour de la primaire du parti Les Républicains avant d’en connaître le résultat, le 4 décembre au matin, donne sa vision de l’affrontement entre Valérie Pécresse et Éric Ciotti. Pour ce faire, elle a recours à un dispositif rhétorique original, qui emprunte à la fois aux figures du mot-valise et du chiasme.

Le mot-valise est un néologisme qui rapproche deux mots différents dont l’un au moins est tronqué, par aphérèse ou apocope, pour en créer un troisième. Le procédé est utilisé de façon polémique depuis au moins le XIXe siècle. Dans les polémiques concernant un duel électoral, il sert à dénoncer la connivence de deux candidats pourtant réputés opposés. Ce fut par exemple le cas pour François Hollande et Jean-Luc Mélanchon appelés Hollanchon par Laurent Wauquiez en 2012, ou pour le même François Hollande et Nicolas Sarkozy, accusés la même année par François Bayrou de profiter d’une sarkhollandisation du débat politique, comme cinq ans plus tôt pour Ségolène Royal et déjà Nicolas Sarkozy, appelés parfois Sarkolène. De la même manière, Jacques Chirac et Lionel Jospin, encore cinq ans plus tôt, avaient été baptisés Chirospin. Autant de noms propres traités sur le modèle du mot-valise, comme on a également pu le faire avec les sigles partisans – on se souvient de l’UMPS lepéniste.

Amélie de Montchalin, elle, semble plutôt s’inspirer de la saillie de François Fillon qui, en 2017, jouait sur les deux composantes de l’identité des personnes en parlant d’Emmanuel Hollande pour souligner la filiation politique que le futur vainqueur de la présidentielle cherchait à gommer. Elle n’hésite donc pas à présenter le duel en cours comme opposant Éric Pécresse et Valérie Ciotti. Ce faisant, elle combine l’usage de ce qu’on pourrait appeler des noms-valises avec la figure du chiasme, comme l’avait déjà fait Jean-Pierre Chevènement en 2002, parlant de Chirpin et Josrac, présentés comme les deux faces d’une même médaille. On connaît la force rhétorique du chiasme, et l’on se souvient du plus célèbre en politique, lancé en 1969 par le communiste Jacques Duclos, considérant que Georges Pompidou et Alain Poher, c’était blanc bonnet et bonnet blanc : une opposition de façade cachant une similitude profonde.

Mais Amélie de Montchalin ne s’arrête pas en si bon chemin, ajoutant que, « au fond », Éric Pécresse et Valérie Ciotti s’appellent tous les deux Fillon : ce ne sont plus deux mais trois personnages qui sont fondus en un seul, baptisés du nom du troisième, François Fillon, candidat battu dans les circonstances que l’on sait par l’actuel président de la République dont elle est une ministre. La suite des événements lui donnera raison ou tort, selon que les deux finalistes de la primaire feront cause commune durant la campagne ou afficheront leurs divergences.

Posted in Figurez-vous...Tagged aphérèse, apocope, chiasme, mot-valise, néologisme, nom propre, nom-valise, polémique

“Ensemble citoyens!”

23 novembre 202123 novembre 2021 Paul Bacot

Ce n’est pas un parti politique, mais un regroupement de partis existants, dont l’objectif est principalement de faire en sorte que les élections législatives de juin 2022 permettent la constitution d’une majorité favorable au président sortant, dans l’hypothèse de sa réélection. La dénomination de cette nouvelle entité prend néanmoins place dans l’évolution des noms d’organisations partisanes.

On remarque d’abord l’absence de premier élément dans la dénomination – qui aurait pu être fédération, confédération, coordination, union… De même que les partis ne s’appellent plus guère parti, mouvement ou rassemblement, la structure organisationnelle n’apparaîtra pas comme telle dans la dénomination retenue. En lieu et place de ce qui aurait été une forme descriptive, on aura un nom dont la syntaxe est celle d’un slogan.

Le pluriel de citoyens indique clairement qu’on ne parle pas d’un ensemble citoyen. Il s’agit d’une phrase sans verbe, à valeur impérative, construit sur le modèle hymnique de la Marseillaise (Aux armes citoyens), et qui enjoint aux interpelés de s’unir. On attend alors un signe de ponctuation, plus précisément le point d’exclamation. Celui-ci figurera sans doute dans le logotype illustrant les affiches, mais pas dans le nom lui-même, comme c’est déjà le cas pour La République en marche / La République en marche!, Libres / Libres!, Debout la France / Debout la France! ou Ensemble / Ensemble! – le nom complet de la formation de Clémentine Autain étant Ensemble, mouvement pour une alternative de gauche, écologiste et solidaire. Seule exception à la règle : le nom et le logotype du parti fondé par Barbara Pompili s’orthographient En commun! (cf. les sites de ces partis).

Mais à qui s’adresse exactement cet appel à l’union ? Là encore, la tendance dominante en onomastique partisane se retrouve : rien n’indique qui est contre qui, pour quoi ou contre quoi. Les deux mots composant le nom de la nouvelle structure sont politiquement et socialement neutres.

Ensemble, adverbe très utilisé dans les slogans, occulte la conflictualité pour ne laisser voir que le rassemblement et l’union qui en résulte. Un demi-siècle de campagnes présidentielles nous en a laissé des exemples célèbres : La France en grand, la France ensemble (Jacques Chirac, 1995), Nous irons plus loin ensemble (Jacques Chirac, 1988), La France ensemble (Jacques Chirac, 2002), Ensemble tout devient possible (Nicolas Sarkozy, 2007), Ensemble, la France ! (Emmanuel Macron, 2017, déjà !). Personne n’est exclu a priori, on est loin d’une quelconque lutte des classes (ou d’autres collectifs sociaux). Même Coluche, dans sa parodie de campagne en 1981, avait suivi cette stratégie, en l’adaptant à sa manière : Tous ensemble pour leur f… au c… avec Coluche.

Quant à citoyen, le mot est à la mode et incontestablement passe-partout (même s’il est implicitement opposé à politicien. Tout le monde est juridiquement citoyen et tout le monde se considère et se revendique comme tel (sauf à tenir le genre grammatical dit masculin comme non inclusif).

Ainsi, en appelant leur « maison commune » Ensemble citoyens, les chefs de la majorité présidentielle ont-ils scrupuleusement respecté à la fois la tradition aconflictuelle des partis de la droite et du centre, les contraintes stratégiques de l’électoralisme et les normes actuelles du marketing. Ils ont néanmoins fait preuve d’une certaine originalité. A notre connaissance en effet, citoyen ne figure dans le nom d’aucune autre organisation politique, à l’exception du Mouvement républicain et citoyen des anciens chevènementistes, aujourd’hui fondu dans la Gauche républicaine et socialiste. De même, ensemble n’est utilisé que par une seule autre entité, mais comme on l’a vu ci-dessus, suivi des critères du rassemblement souhaité (de gauche, écologiste et solidaire).

En dehors du champ politique, Google nous informe de l’existence d’une association ligérienne dénommée Ensemble citoyens!, qui regroupe des personnes avec handicap intellectuel. Il faut alors entendre : Nous sommes tous citoyens.

[Remarque typographique : dans un nom propre, comme pour les marques, il n’y a pas d’espace avant le point d’exclamation]

Posted in Figurez-vous...Tagged dénomination, onomastique, parodie, slogan

“Horizons”

13 octobre 202113 octobre 2021 Paul Bacot
Photographie : Ouest-France, 10 octobre 2021

Le nom de l’organisation politique dont la création a été annoncée par Edouard Philippe samedi 9 octobre au Havre se conforme à la tendance contemporaine en la matière. À la forme longtemps dominante /nom de collectif/+/caractérisation de celui-ci/, dont les exemples sont Parti socialiste, Rassemblement national ou Mouvement des démocrates, on voit se substituer celle qui ne comporte que le second élément, nom et/ou adjectif éventuellement précédé d’un article ou ponctué d’un point d’exclamation (Les Républicains, La France insoumise, Libres !). Mais contrairement à d’autres cas, il ne s’agit pas ici d’écarter l’appellation parti, réputée honnie, ou ce qui peut apparaître comme un équivalent, puisque l’adresse du site dédié est horizonsleparti.fr, et que celui-ci appelle à soutenir « le parti Horizons », à se rassembler « au sein d’un parti politique », de « construire un parti », et à « rejoindre le parti Horizons ». La motivation est d’un autre ordre : se conformer aux normes actuelles du marketing.

Pour ce qui est du mot unique constitutif du nom du parti, horizon, on notera là encore une adaptation à la tendance contemporaine, selon laquelle plutôt que de spécifier le camp dont le parti se veut le porte-parole (communiste, radical, socialiste, républicain, patriote, national, insoumis, démocrate), le mot retenu par certaines dénominations récentes est porteur d’une signification floue (génération, agir, marche). En quoi le nom Horizons peut-il nous renseigner sur ce qui distingue de leurs adversaires les personnes que l’on veut rassembler sous cette bannière ? On repense au titre du livre-programme de Gaston Defferre, candidat à la candidature présidentielle en 1965, Le nouvel horizon (Gallimard), lequel suggérait au moins l’idée d’un changement, ce qui n’est pas le cas avec le nom du parti philippiste, même si son site nous parle d’imaginer « un nouvel horizon pour la France ».

La métaphore nous renvoie à cette ligne qui recule au fur et à mesure qu’on avance : difficile à décrypter, si ce n’est que l’idée d’avancer peut être rapprochée de celle de la marche et de la revendication « progressiste » de l’actuelle majorité présidentielle. Mais l’horizon se définit d’abord comme une limite, celle de notre vue sur une planète sphérique (le mot vient du grec horizein, qui signifie « borner ») – ce qui pourrait évoquer une autolimitation des ambitions du nouveau venu : hypothèse improbable, sauf à se fixer comme objectif le dépassement de l’horizon, comme John F. Kennedy voulait le faire de sa « nouvelle frontière ». La mise au pluriel ne clarifie pas le propos : peut-on avancer dans tous les sens, avec des limites de toutes parts ? Alors, peut-être faut-il penser à une autre façon de définir l’horizon : la rencontre du ciel et de la mer. L’omniprésence du bleu sur le site irait dans ce sens – en même temps qu’elle reprend la couleur emblématique de la droite française… qui est aussi la préférée des Français (et d’autres dans le monde). Avec possiblement une chambre bleu horizon en vue pour juin 2022, et la conjuration du danger d’un retour des « Gilets jaunes ».

Edouard Philippe nous suggère une autre clé d’interprétation du nom qu’il a choisi. Il s’agirait de « voir loin pour faire bien », « pour que notre pays puisse regarder loin ». Son parti serait alors celui de l’anticipation, de la priorité du long terme sur le court terme. D’où sans doute celle donnée au remboursement de la dette ou au recul de l’âge de la retraite…

On est en fait en présence d’un nom-slogan au contenu flou, destiné d’abord à séduire les électeurs sans référence précise. Comme le nom d’un parti est à la fois celui d’une entreprise et celui du produit qu’elle offre, il est clair qu’aujourd’hui, la marque l’emporte sur la raison sociale. Car il s’agit bien de proposer « une nouvelle offre politique », sans que l’étiquette dise grand-chose du contenu.

Posted in Figurez-vous...Tagged dénomination, métaphore, slogan

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